Dans les oeuvres d’Asger Jorn « apparaissent parmi la
lumière les ombres les plus méchantes, mais tout à coup se renverse le débat :
la nuit prend la tendresse de l’oreiller tandis que le soleil, maître du fond,
visible à peine, est démoniaque », Christian Dotremont, 1956
Asger Jorn, La lune et les animaux, 1950 huile sur aggloméré, 47 x 60,7 cm Collection Pierre et Micky Alechinsky photo André Morain, Paris
© Donation Jorn, Silkeborg / 2012, ProLitteris, Zurich
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Que les personnes familières avec l’œuvre d’Asger Jorn lèvent la
main ! Artiste majeur de l’art danois du 20e siècle, Jorn ne
bénéficie cependant pas d’une très grande popularité – peu exposé, il reste
relativement inconnu dans nos contrées. Et l’inconnu, ça fait peur, comme en
témoigne le calme de la Fondation de l’Hermitage.
À son actif, la fondation de plusieurs mouvements artistiques et/ou
intellectuels : le mouvement Cobra en 1948, le Mouvement international
pour un Bauhaus imaginiste en 1953, l’Internationale situationniste aux côtés
de Guy Debord en 1957 et l’Institut scandinave de vandalisme comparé dans les
années 60. Artiste pluridisciplinaire, Jorn touche autant à la peinture qu’à la
gravure, à la céramique, au dessin et à l’aquarelle.
L’exposition de l’Hermitage – la première consacrée à Jorn en Suisse
romande – présente son œuvre selon un ordre chronologique. Les quatre étages de
la maison sont élégamment présentés dans un dépliant A5, comprenant un plan et
quelques lignes d’explication par salles. Cette nouvelle version du guide de
visite – mise au point cette année – permet de naviguer plus facilement ainsi
que de saisir clairement la structure de l’exposition.
Asger Jorn, Grand baiser au cardinal d’Amérique, 1962, modification, huile sur toile, 92 x 73 cm, Musée Jenisch Vevey photo, StudioCurchod,Vevey
© Donation Jorn, Silkeborg / 2012, ProLitteris, Zurich
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Chaque salle est précédée d’un panneau explicatif, qui, malheureusement,
reste relativement radin en information. Le mouvement Cobra est très brièvement
brossé et l’on ne s’est pas mouillé à tenter d’expliquer l’Internationale
situationniste ou le Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste.
Certes, ces concepts sont intellectuellement complexes et difficilement
résumables en deux mots, mais où est l’intérêt de présenter cet artiste si
c’est pour lui gommer tout relief ?
Le Jorn rebelle et subversif, critique de l’ordre établi et du capitalisme,
celui qui répondit en 1964 lorsqu’on lui attribua le prestigieux Prix
Guggenheim :
GO TO HELL BASTARD - STOP - REFUSE PRIZE - STOP - NEVER ASKED FOR
IT - STOP - AGAINST ALL DECENCY MIX ARTIST AGAINST HIS WILL IN YOUR
PUBLICITY - STOP - I WANT PUBLIC CONFIRMATION NOT TO HAVE PARTICIPATED IN YOUR
RIDICULOUS GAME
(Allez au diable connard – stop – refuse le prix – stop – jamais demandé à
l’avoir – stop – contre toute décence mixez artiste contre sa volonté dans
votre publicité – stop – je veux la confirmation publique de ne pas avoir
participé à votre jeu ridicule),
celui qui invita et développa des approches culturelles révolutionnaires,
alternatives et expérimentales, s’efface au profit d’un Jorn lisse et
conventionnel.
L’exposition choisit un angle d’approche formel et met l’accent sur la
biographie de l’artiste. Son langage visuel est fascinant – et d’ailleurs
beaucoup moins agressif que le laisse supposer l’affiche de l’expo – mais pour
bien comprendre les enjeux de son œuvre, le contexte vient à manquer. La
tradition picturale nordique, par exemple, maintes fois mentionnée dans les
panneaux car au cœur du travail de Jorn, n’est jamais effectivement
caractérisée. En bref, on reste un peu sur sa faim – ce qui, en soi, n’est pas
forcément un mauvais point. Piquer la curiosité du visiteur afin qu’il/elle
décide d’obtenir plus d’informations de manière proactive – par la lecture du
catalogue ou autre – est une grande réussite, mais qui reste difficile à
évaluer et calculer.
Bien qu’un peu frustrée, je quittais le musée emballée et réjouie. Au fur
et à mesure des salles, le monde de Jorn nous est révélé, référençant des
artistes plus familiers tels que Klee, Picasso ou Munch, sans pour autant
jamais abandonner un langage bien personnel. Des vibrations particulières
émanent de son œuvre, à la fois la synthèse des avant-gardes européennes de la
première partie du 20e siècle et l’élaboration d’un style individuel
puissant ; l’apogée de la visite s’atteint au sous-sol de l’Hermitage avec
Kyotosmorama,
à la place d’honneur.
Alors oui, l’inconnu, ça n’est pas très confortable au
début. Mais pour une fois que les murs de cette baraque présentent autre chose que Bonnard et Vallotton, il serait dommage de se laisser impressionner.
MAGNIFIQUE EXPOSITION....J'AI BEAUCOUP AIMé ET ADMIRE L'INTENSITé DES COULEURS ET DES FORMES....
RépondreSupprimerUN GRAND PEINTRE.......
ET QUE VIVE AINSI L'HERMITAGE LOIN DE SES DEBUTS SI CONFORMES AUX ATTENTES D'UN PUBLIC PRé-PICASSO....
LA ON A FRANCHI LA BARRE
MERCI.