19.2.12

Interlude

Après quelques semaines d’existence et (presque) autant de posts, un petit check-up s’impose et des réajustements sont de mise !
Je démarrais ce blog à la fin de l'année dernière lors d'une période de calme professionnel. Désormais active (bien que non-rémunérée, ne nous emballons pas, je reste une jeune diplômée du secteur culturel), le rythme relativement soutenu des chroniques va inévitablement ralentir. Pour parer au manque, les posts se feront plus variés ; actualités concernant les musées et l’histoire de l’art, œuvres ou artistes qui me touchent particulièrement, et plein d’autres trucs super sympas que je ne vous spoilerai pas maintenant. Bref, des sujets qui me demanderont moins de temps mais qui vous permettront toujours de procrastiner (ben oui, je pense à vous quoi). 
Autre nouvelle mesure, les futurs posts seront également disponibles en anglais: n'hésitez donc plus à rameuter vos BFF non-francophones. 

Chronique d’une restitution à l’amiable

En 1964, le Kunstmuseum de Bâle acquiert légalement et honorablement plusieurs œuvres de l’artiste russe Kasimir Malevitch (1879 – 1935) lors d’une vente aux enchères à Londres. En 2010, les héritiers du peintre, estimant que les œuvres en question (deux gouaches et une soixantaine de dessins) leur appartiennent, déposent une plainte contre le musée suisse afin de les récupérer.

Leur raisonnement est le suivant : en 1927, alors que Malevitch est à Berlin, il est soudainement sommé de rentrer à Leningrad. Il s’y rend sur-le-champ, laissant derrière lui une quantité d’œuvres qu’il prévoyait d’exposer en Europe – parmi elles se trouvent les gouaches et les dessins du Kunstmuseum de Bâle. Le peintre ne quittera plus jamais l’Union Soviétique et toutes ces œuvres, abandonnées chez des amis à Berlin, se retrouvent sur le marché, alors qu’il n’en a, a priori, jamais fait la demande. La famille Malevitch juge donc qu’elles ont été vendues sans l’accord de l’artiste, autrement dit illégalement, et que, par conséquent, elle possède le droit légitime de les récupérer.

Le 20 janvier dernier, le Kunstmuseum de Bâle et les héritiers de Malevitch parviennent à un accord à l’amiable. Les œuvres sont restituées à la famille du peintre, mais seulement une, Paysage avec Maisons Rouges, sera transférée en Russie. Les autres restent à Bâle, en prêt à durée indéterminée.

Kasimir Malevitch, Paysage avec Maisons Rouges, 1910, gouache, © Kunstmuseum Basel

Je précise que d’autres accords à l’amiable ont précédemment été conclu par la famille Malevitch avec le MoMA de New York ou encore le Stedelijk d’Amsterdam. Ce genre d’affaires soulève un nombre infini de questions, principalement autour de la notion responsabilité. La responsabilité du musée, des collectionneurs, des marchands d’art, des amis de Malevitch, de leurs héritiers, mais aussi la responsabilité du peintre et de sa famille. Alors ? Qu’en pensez-vous ? Qui devrait prendre la responsabilité de ventes illégales réalisées il y a presqu’un siècle ? La requête des héritiers de Malevitch vous semble-t-elle évidente ? La position du musée est-elle sans reproche ? Et l’accord est-il satisfaisant ?


                                                                    

Interlude

After a few weeks of blogging and (almost) as many posts, time to review and adjust a couple of things!
First of all, Museum Chronicles is now also available in English. As I’m not really computer-friendly I still haven’t found a proper way to do this, so for the time being please scroll down on each post to access the English version.
As I am now professionally active (although still not paid, who am I kidding, just graduated in the cultural sector), exhibitions’ posts might will become less frequent. In order to still provide you with some procrastination material, I will however extend my editorial line to news and updates on museums, art history, works of art, artists, and many other things that will require less time to prepare but will still allow you to waste some. Such as the following:

Settlement Chronicle

In 1964, Kunstmuseum Basel legally and honorably acquires a couple of works by Russian artist Kasimir Malevitch (1879 – 1935) at an auction sale in London. In 2010, the painter’s heirs, considering that these works (two gouaches and about sixty drawings) belong to them, register a claim to the Swiss museum in order to get them back. 

Their reasoning is the following: in 1927, while Malevitch is in Berlin, he is suddenly called back to Leningrad. The painter immediately departs from Germany, leaving behind a great amount of works that he was planning to exhibit in Europe – among them, paintings and drawings now in Kunstmuseum Basel. Malevitch was never to leave Soviet Union again and all those works, abandoned to his Berlin friends, started to appear on the market although he does not seem to have asked for it. The painter’s family thus concludes they have been sold without his authorization, in other words illegally; they therefore consider they have the legitimate right to get them back.

On the 20th of January, Kunstmuseum Basel and Malevitch’s heirs came to an agreement. The works are returned to the painter’s family, however only one painting, Landscape with Red Houses, will be brought back to Russia. The other works remain in Basel, in the form of a loan for an indefinite period.


Kasimir Malevitch, Landscape with Red Houses, 1910, gouache, © Kunstmuseum Basel

FYI, previous settlements similar to this one have been reached by the Malevitch family and museums such as MoMA NY and Stedelijk, Amsterdam.
Such cases bring up an infinite number of questions, mainly revolving around the notion of responsibility. Responsibility of the museum, of collectors, of art dealers, of friends of Malevitch and their families, but also responsibility of the painter and his heirs. So what do you think? Who can be held responsible for illegal sales made almost a century ago? Does Malevitch family’s request seem obvious to you? Is the museum’s position without reproach? And is the settlement satisfying? 


source: the Art Newspaper

1.2.12

Passion et Image: Art Russe depuis 1970 : la Collection Arina Kowner, Berne, Kunstmuseum, 3 décembre 2011 – 12 février 2012


Je n’étais pas particulièrement emballée à l’idée de m’aventurer dans cette exposition. Les seules connaissances que je possède en art russe se limitent au constructivisme et au suprématisme, et pour être honnête, elles sont plutôt floues. Qui plus est, confrontée, lors d’expositions diverses, à des œuvres d’artistes russes contemporainEs, je dois avouer qu’il m’a toujours été difficile de saisir réellement les enjeux de leur art. Mon ignorance en histoire et culture russes y est sans aucun doute pour quelque chose. Régulièrement frustrée de ne pouvoir convenablement apprécier l’art russe (ainsi que l’art des anciens pays soviétiques), je développais une certaine réticence à son égard. Par conséquent, j’étais moyennement motivée à me rendre à Berne pour voir ‘Passion et Image: Art Russe depuis 1970 : la Collection Arina Kowner’. Il faut dire que le titre à rallonge n’est pas non plus pour aider (les gars faut vous mettre d’accord, c’est au maximum un titre et un sous-titre).

Cependant, étant donné que je me trouvais au Kunstmuseum et que le beau gosse de l’accueil m’avait filé un petit guide de visite, je me suis laissée tenter. Pour une fois, me dis-je, que nous avons droit à quelque chose d’un peu différent d’Andy Warhol & co – oui il y a eu d’autres choses dans la deuxième partie du XXème siècle, wow, no way, dingue –  ça valait bien le coup d’y jeter un œil.


Vladislav Mamyshev ‚Monroe’ (*1969), Matou (Allusion à Stalin), 1991, Technique mixte, 62 x 48 cm, © Collection Arina Kowner


Arina Kowner, originaire de Russie, a grandi à Zürich. Après avoir été, entre autres, directrice du Pour-Cent Culturel Migros et membre du conseil de la fondation Pro Helvetia, elle monte en 2002 le projet ‘Okno – fenêtre sur l’art russe’ pour encourager les échanges entre l’art russe et l’art suisse. Commencée à la fin des années 80, sa collection comprend principalement des œuvres russes mais également internationales ; ce dialogue est répété au Kunstmuseum, où des artistes d’origine variée s’invitent – avec plus ou  moins de succès – dans les salles présentant des courants ou des groupes russes. Deux artistes en résidence complètent la kyrielle de noms et une dichotomie entre l’art de Moscou et celui de Saint-Pétersbourg permet de structurer le tout.
Le guide explicatif contient une foule d’informations ; les artistes sont nombreux, les salles également, et il y a beaucoup à digérer – surtout si comme moi, vous êtes moyen au point sur l’art russe. Le cahier a été rédigé avant l’installation et quelques passages peuvent porter à confusion, notamment lorsque les œuvres sont accrochées dans la salle du milieu plutôt que dans la salle où elles sont mentionnées. Il y a même une ou deux œuvres que je n’ai pas trouvées, mais dans l’ensemble, le tout est plutôt clairement présenté. Le guide est téléchargeable sur le site du Kunstmuseum, à vous de juger si cela vaut la peine de le survoler avant la visite afin de pouvoir se concentrer moins sur les explications que sur les œuvres.


Sergei Bugaev ‚Afrika’ (*1966), Rouge (Hommage à El Lissitzky), 1991, Acrylique sur panneau aggloméré, 100 x 150 cm, Collection Arina Kowner, © L’artiste


Les œuvres justement, parlons-en. L’éventail de styles est impressionnant : de la référence à l’avant-garde des années 10 jusqu’au conceptualisme en passant par le néo-académisme et la photographie (my favorites !), il y en a pour tous les goûts. La frustration que j’avais ressentie jusqu’alors devant l’art russe s’est transformée en satisfaction : satisfaction de voir un art différent, qui puise dans des codes spécifiques à son histoire – voir la salle des icônes – et qui utilise les canons de l’histoire de l’art occidentale d’une manière particulière. En effet, les références sont bien présentes, mais passent par des chemins surprenants, moins connus, moins usés. En résulte une impression rafraîchissante d’inattendu qui ne peut que séduire. En somme, le risque de ne pas comprendre est de loin compensé par le plaisir de voir des œuvres inhabituelles ; et rassurez-vous, si vous êtes complètement perdus, Warhol, toujours prêt, fait office de bouée.

Timur Novikov (1958 - 2002), Saint Jean-Baptiste de Kronstadt, 1998, Photographie sur tissu, 145 x 104 cm, © Collection Arina Kowner

Beaucoup d’œuvres m’ont plu et j’aurai aimé vous les montrer, malheureusement elles sont difficilement accessibles sur internet et j’ai eu la bêtise de ne pas acheter le catalogue (qui se décline d’ailleurs en deux formats : le classique, qui doit bien peser dix kilos, et le simple, présentant les œuvres accrochées et les artistes, alternative nettement plus abordable et transportable – concept à retenir ?). Bref, il ne vous reste donc plus qu’à vous rendre à Berne avant le 12 février afin de découvrir le tout et d’y choisir vos favoris.


Bella Matveeva (*1961), Kallipiga (Kallipygos – Vénus avec le beau derrière), 1992, Huile sur toile, 110 x 140 cm, Collection Arina Kowner, © L’artiste



Sergei Borisov (*1947), Flying, 1988, Photographie, 28,8 x 40,5 cm, Collection Arina Kowner, © L’artiste