3.1.12

Confrontations: Tout ce que j'aurais toujours voulu faire et que pourtant je n'ai jamais fait, Neuchâtel, Musée d’Art et d’Histoire (MAHN), 20 novembre 2011 – 12 février 2012


Walter Tschopp est conservateur au Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel (MAHN) depuis 1990. Navré de n’avoir pu exposer durant sa carrière certains artistes qui lui sont chers, Tschopp, sur le point de prendre sa retraite, décide de remédier à cette contrariété en rassemblant dans une exposition treize artistes de divers périodes et styles.
Intitulée ‘Confrontations’, l’exposition fonctionne sur le principe d’un dialogue entre deux artistes par salle. Ou alors entre deux pratiques d’un seul artiste. Ou alors entre rien du tout, présentant une pratique d’un seul artiste. (Finalement, sur huit salles, seules cinq remplissent le postulat de départ, ce qui, il faut le dire, laisse un peu perplexe).



Photo d’installation, salle 2 : « Nature » versus « Civilisation », œuvres de Claire Pagni, © Musée d’Art et d’Histoire Neuchâtel


Rassembler deux artistes dans un même espace et confronter leurs œuvres respectives est un exercice extrêmement périlleux. Il faut garantir que les deux artistes en ressortent grandiEs, que l’œuvre d’unE ne souffre pas de la présence de l’autre. Il faut s’assurer que les comparaisons mettent en valeur de nouvelles pistes de lecture, qu’elles mettent en lumière de nouveaux aspects qui n’auraient pas pu être aussi bien observés sans la confrontation. Et il faut également, dans une moindre mesure, pouvoir étayer les similitudes ou les contrastes au-delà d’un simple rapport formel ou thématique. En somme, une confrontation entre deux artistes requiert de solides raisons. Dans l’exposition de Neuchâtel, force est de constater que l’on pourrait sans autre reprendre tous les artistes, les mélanger et les redistribuer dans les salles en modifiant leur titre sans que cela nuise profondément au but ou au sens de l’exposition. Les questions soulevées par ‘Confrontations’ concernent en réalité non les artistes présentés ou la pertinence de leur rassemblement mais le statut et le rôle du conservateur.

En effet, l’unique solide justification de ces confrontations est qu’il s’agit d’artistes que Walter Tschopp voulait exposer afin de ne pas terminer sa carrière sur des regrets. Est-ce là une raison suffisante ? Après plus de vingt ans au sein du MAHN, il s’en détache officiellement et se réclame d’un ‘je’ jusque dans le sous-titre de l’exposition (bien qu’un ‘nous’ mystérieux se soit glissé dans le guide de visite…force d’habitude ?). Est-ce qu’un conservateur, au seuil de sa retraite (ou pas, en fait), peut s’octroyer le droit de monter une exposition pour son plaisir personnel ? Peut-il/elle mettre le musée au service de ses envies ? C’est entre la figure du conservateur et celle de l’institution que réside la véritable confrontation. Sont-ils/elles une et même entité ? Où s’arrête la voix de la personne, où commence celle de l’institution? À travers cette exposition transparaît une réalité peu souvent assimilée : au coeur du musée se trouve des personnes qui proposent leur vision, leur interprétation et leur subjectivité. Le musée-vérité-absolue n’existe pas.



Photo d’installation, salle 7 : « Hommage à la peinture pure », œuvres d’Edmond de Pury, © Musée d’Art et d’Histoire Neuchâtel


La prise de conscience de la partialité inévitable d’un conservateur va de pair avec la réalisation de l’impact qu’il/elle peut avoir en tant qu’individu sur l’institution. Cela amène à s’interroger sur la durée idéale d’un mandat. Walter Tschopp a empilé vingt-et-un ans au sein du même musée. Vingt-et-un ans ! Comment une institution peut-elle se régénérer, inspirer les jeunes générations, proposer continuellement de nouvelles choses, être à la pointe et ne pas s’essouffler en employant le même conservateur pendant plus de vingt ans ? Comment ne pas sombrer dans une langueur, une monotonie, un manque d’innovation ? Je ne mets pas en doute les capacités de Walter Tschopp à évoluer et se renouveler, mais n’est-il pas inéluctable qu’un musée s’enlise dans un certain confort routinier si son cœur ne renaît pas régulièrement? Beaucoup de penser – du moins de l’autre côté de la Manche et de l’Atlantique – qu’un mandat de huit à dix ans reste la durée maximale conseillée pour un conservateur, afin que l’institution conserve une certaine fraîcheur. Cette proposition ne semble de loin pas partagée en Suisse; de là à mettre le manque d’actualité et d’attrait des musées suisses en lien avec les mandats interminables de leurs conservateurs, il n’y a qu’un pas.


P.S. je serai assez curieuse de savoir si quelqu’un a vu la photo de l’affiche de l’expo dans l’expo. Parce que moi pas. 




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