11.1.12

L’Ombre – Der Schatten, Bienne, Musée Neuhaus, 27 octobre 2011 – 26 février 2012

‘She returned to the nursery, and found Nana with something in her mouth, which proved to be the boy's shadow. As he leapt at the window Nana had closed it quickly, too late to catch him, but his shadow had not had time to get out; slam went the window and snapped it off.’ J.M. Barrie, Peter Pan, 1911.


Peter Pan et son ombre, arrêt sur image du dessin animé de Walt Disney, 1953, © Walt Disney Productions

Les ombres nous accompagnent en permanence. Elles peuvent être rassurantes, mystérieuses, angoissantes, bienvenues ou insignifiantes: elles demeurent présentes à tout instant, sauf au zénith ou dans le noir total. Elles meublent et sculptent notre environnement, dessinant discrètement les contours des objets et des personnes, sans discrimination aucune. Si discrètement que, la plupart du temps, l’on en vient presque à les oublier ; ce phénomène banal n’en est pourtant pas moins fascinant. Le musée Neuhaus à Bienne a choisi de mettre en lumière (haha) les différentes facettes de l’ombre, réunissant son statut symbolique, ses propriétés physiques et son potentiel plastique. 

La thématique de l’ombre est déclinée en plusieurs sections. De l’explication technique du vocabulaire au théâtre d’ombres en passant par son utilisation dans le cinéma, la peinture, le dessin et la gravure, l’ombre est révélée sous toutes ses coutures ou presque. Ne manque peut-être qu’une partie dédiée à la photographie, à peine abordée lors de la présentation du dessin de silhouette. Le côté scientifique n’est pas en reste avec des accrochages consacrés à l’éclipse, au cadran solaire et aux phases de la lune. Le dernier sous-thème concernant la portée allégorique de l’ombre – la caverne de Platon, tout ça – reste malheureusement peu développé.


Philippe Robert, Le Caire, El Azhar, Université Musulmane, 1924, huile sur toile, 72 x 97 cm, © http://www.artnet.de/

Bien qu’un peu pauvre en poésie, l’exposition a le mérite de mettre en valeur les aspects techniques d’une production artistique. Le visiteur est conduit à remarquer et analyser les éléments d’ombre d’une composition. Plusieurs extraits de films permettent de comprendre l’utilisation scénique et parfois scénaristique de l’ombre, alors que des agrandissements de gravures soulignent les différents procédés employés par les artistes pour moduler la lumière et son absence. La Liseuse d’Ernst Geiger (1910-20) ainsi qu’une vue du Caire de Philippe Robert (1924) sont accrochées à côté de reproductions respectives de grand format, dépouillées de toute modulation de lumière. On prend ainsi conscience de l’importance de l’ombre dans le jeu de perspective, d’ambiance et de composition. Les dessins de Léo-Paul et Philippe Robert offrent également d’agréables supports pour étudier comment des zones plus ou moins sombres façonnent la consistance de la chair et de la peau.

L’espace d’exposition est par contre peu commode. La belle maison du début du 19ème a été rénovée dans les années 90 dans un style assez indescriptible, mélangeant certains aspects d’origine avec une architecture fin 20ème qui vieillit plutôt mal. Des piliers en métal sont plantés au milieu des espaces (et pas du genre usine-désaffectée-trop-classe), les expositions permanentes et temporaires se chevauchent, les accrochages sont très denses. Il y a peu d’endroits où l’œil peut se reposer, tout n’est qu’objets, labels, textes, flèches, œuvres, livres, machines: s’orienter est relativement compliqué. Il s’avère que le point faible du musée Neuhaus est sa scénographie et son graphisme en général – sauf peut-être dans la partie du bâtiment consacrée à la cinécollection de William Piasio. Le site web et les affiches auraient bien besoin d’être dépoussiérés. La scénographie également : la reproduction de la caverne de Platon est tout sauf de bon goût et ressemble à un bricolage d’école primaire. Dans la partie consacrée aux ombrelles, les illustrations sont accrochées en vague sans aucune raison valable. L’utilisation d’un violet flashy pour la signalétique de l’exposition fait quant à elle penser à une carrosserie tuning.


Musée Schwab, Bienne, © http://www.bienne-seeland.ch


La fusion du musée Neuhaus et du musée Schwab sous la dénomination ‘Nouveau Musée de Bienne (NMB)’ présage cependant des changements attrayants et engageants. Les collections des deux musées sont réunies officiellement depuis le début de cette année et le musée Schwab sera inauguré en automne 2012 en tant qu’espace d’expositions temporaires du NMB. Celles-ci pourront ainsi prendre une nouvelle envergure et occuper des locaux plus appropriés. Espérons que cette nouvelle configuration inspirera également un rafraîchissement de l’identité visuelle.

‘L’Ombre – Der Schatten’ baisse le rideau sur le musée Neuhaus en permettant de réunir efficacement les différents aspects de sa collection. L’exposition est hautement interactive et en amusera plus d’un : divers ‘stations’ proposent des activités ludiques. Allez-y à plusieurs et/ou avec des enfants ! Vous en sortirez sans aucun doute avec une nouvelle clé de lecture : la conscience de l’ombre, de sa présence et de son absence, dans une œuvre d’art.




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